Plus démocrate que moi, tu meurs

Publié le par muslimfrance.over-blog.com

Plus démocrate que moi, tu meurs

 

 — Plusieurs milliers de personnes s’étaient donné rendez-vous hier après-midi devant la Coupole d’El Menzah pour appeler à la reprise des cours et au retour au travail.
Faisant suite au rassemblement de mardi dernier, cette rencontre se voulait «un cri du cœur contre la violence et l’anarchie» comme l’avaient  expliqué les organisateurs qui insistaient sur la nécessité d’assurer la transition démocratique  sans heurts et sans exclusion.
Baptisée «fête citoyenne de la Révolution», cette rencontre organisée à l’initiative d’un mouvement  portant le nom de «Tunisiens indépendants» qui, disaient-ils, «n’appartiennent à aucune formation politique ni à une quelconque organisation ou association», avait pour objectif de rassembler les Tunisiens, toutes tendances confondues, autour d’un credo mobilisateur, à savoir le respect de la libre expression et de la liberté de parole. Cette mobilisation intervenait à la suite de l’annonce, jeudi dernier, par le président de la République par intérim, M. Foued Mebazaâ, d’un agenda politique qui reflétait les revendications populaires de la conférence de presse, combien rassurante, du nouveau chef de gouvernement, M. Béji Caïd Essebsi, qui avait indiqué la ligne de conduite à suivre pour le gouvernement de transition ainsi que les priorités de la prochaine étape. Certains participants au sit-in de la Kasbah, étaient venus exprimer leur solidarité avec leurs compatriotes de la Coupole. «Je suis là, aujourd’hui, pour vous dire combien nous sommes tous fiers de notre révolution et que nous sommes tous unis pour la même cause», lançait Chokri Abbassi, qui, venant de Hajeb Layoune, avait passé plusieurs jours à la place du Gouvernement  rendant, au passage, un hommage aux manifestants de l’autre Kasbah, celle de Sfax. 
«Je déteste ce que tu dis, mais je me ferai tuer pour que tu puisses toujours le dire», c’est par cette citation de François Marie Arouet, dit Voltaire, ce philosophe intellectuel «engagé au service de la vérité, de la justice et de la liberté de penser», que la jeune Imen Bahloul, enseignante universitaire, a voulu exprimer sa pensée lors de cet ultime rassemblement de la Coupole d’El Menzah. Cette manifestante, originaire de Sbeïtla,  s’exprimant dans un excellent français, appelait «l’Ugtt à faire son propre ménage», avant d’ajouter : «Je me bats et je me battrai toujours contre les extrémistes de tous bords, je militerai pour que tous les Tunisiens puissent s’exprimer en toute liberté». Appartient-elle à une formation politique ou à une organisation syndicale ? La réponse est non. La nature ayant horreur du vide, «il faut, continue-elle, occuper la place politique pour éloigner le spectre de toute nouvelle forme de dictature». Très active sur le réseau social, elle milite contre la cybercriminalité. «J’ai même reçu des menaces de mort et j’ai déposé plainte contre X auprès du procureur de la République de l’Ariana».
Il semble que la dernière position, assez nuancée, du bureau exécutif de l’Ugtt et les déclarations de certains de ses membres n’aient pas atténué la colère des participants contre certains dirigeants de la centrale syndicale, puisque les «dégage» n’avaient pas disparu ni des banderoles ni des slogans. Cette hostilité, Mondher Hallab, jeune homme d’affaires venu spécialement de Médenine, l’expliquait par «les arrêts abusifs de travail, les grèves disproportionnées et les revendications exagérées d’une certaine base ouvrière». Cette situation, ajoute-t-il, «a contraint plusieurs chefs d’entreprise à fermer leurs usines et, par là même, à ne pas honorer leurs engagements vis-à-vis de leurs clients». Son usine, démarrée seulement au mois d’octobre dernier, et qui fait travailler une quarantaine de personnes, est fermée depuis une quinzaine de jours.
Au fur et à mesure que le nombre grossissait, des groupes de discussion se formaient spontanément pour échanger les idées, en même temps que la voix du speaker autoproclamé parmi les organisateurs, répercutée par les gros baffles spécialement installés pour les besoins de la cause, criait des slogans appelant à la reprise du travail et au resserrement des rangs. Des jeunes élèves d’un lycée voisin exhibaient des pancartes, des banderoles et autres panneaux comprenant des inscriptions qui dénotent l’esprit d’inventivité, de créativité et d’imagination de nos jeunes. Sur une banderole, en plastique,  on pouvait lire «2010, année internationale de la révolution des jeunes et des peuples» avec, en guise, ce beau poème de notre grand Chebbi : «Ô injuste despote», traduire «ala ayyouha adhalimou el moustabbid». C’est mon père qui me l’a confectionnée, racontait, non sans fierté, le jeune Zine El Abidine Balti, de Sbikha, gouvernorat de Kairouan. «J’aurais souhaité l’exhiber en pleine période de révolution, mais elle n’était pas encore prête» ajoutait-il. A ses côtés, une jeune fille, camarade du même lycée, trimballait une pancarte portant une inscription écrite façon facebook ou sms, et comme pour parodier Kadhafi :«zinga, zinga, dar, dar et ihna nhoubbou listikrar», traduire «ruelle par ruelle, maison par maison, nous voulons la stabilité».
Les quelques petites averses qui s’étaient abattues sur la place de la Coupole n’avaient pas dissuadé d’autres personnes de se joindre à cette joute que les organisateurs voulaient «une fête» en y invitant quelques artistes pour chanter un hymne à la nation. Des sportifs, tel l’ancien footballeur Ridha Akacha, s’étaient joints au rassemblement pour apporter leur soutien à ce mouvement. «Nous sommes des enfants du peuple et nous voulons, à notre tour, exprimer nos sentiments de fierté et de bonheur d’appartenir à ce pays».
Les organisateurs, qui se disaient «n’appartenir à aucune formation politique», avaient distribué un communiqué dans lequel ils exprimaient leur adhésion «au contenu du message du président intérimaire dans lequel il a tracé la démarche générale à suivre pour assurer la transition démocratique». Ils apportaient, également, leur soutien au nouveau Premier ministre et notamment à son «engagement de restituer le prestige de l'Etat et de rétablir l'ordre et la sécurité dans toutes les régions». Se déclarant, toujours, vigilants, pour la protection de cette démarche et la sauvegarde des acquis de la nation et des principes de la révolution, «les citoyens démocrates» sont confiants  que l’ensemble des Tunisiens «vont reprendre le travail et retrouver leurs institutions scolaires et universitaires pour construire ensemble la Tunisie de la liberté, de la justice et de la démocratie».
Ce mouvement a créé un site web : www.citoyensindependants.com, dans lequel ses membres ont lancé une pétition pour appeler, notamment, à «la continuité de l’Etat pour éviter une situation de vide et assurer une transition démocratique, transparente et représentative».

http://www.lapresse.tn/06032011/23981/plus-democrate-que-moi-tu-meurs.html

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article